Stefania Gurdowa, ma grand-mère photographe




Elle fut, sans doutes, la première femme photographe de Pologne.
 
En 1920, bravant le principe selon lequel les femmes se doivent de rester au foyer, Stefania Gurdowa obtient un diplôme de photographe qui lui permet d’installer son studio professionnel dans la ville de Dedica où je suis née. Elle fait vivre ce studio, seule, avec courage et, grâce à son talent de portraitiste, elle acquiert une belle clientèle jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Les nazis informés du fait qu’elle comptait de nombreux Juifs dans sa clientèle commencent à lui faire des « visites de courtoisie » qui se transforment en perquisitions, à partir de 1942, à la recherche des clichés, des registres et des adresses de tous les clients juifs de ma grand-mère.
Elle refuse catégoriquement de coopérer avec les SS, et pour ne pas leur donner le moindre indice, ni adresses ni clichés bien évidemment, elle fait bâtir dans le grenier de sa maison une double paroi afin d'y cacher tous les documents du studio.
Je me souviens très bien des SS entrant dans le studio de ma grand-mère pour leur visite tous les deux ou trois mois ! Toute ma famille était résistante et elle était, à ce titre, doublement surveillée par les nazis.
En 1943, un soir, trois résistants viennent l’avertir que les SS avaient l’intention de rafler la famille. Aussitôt, ma grand-mère nous expédia dans le dernier train en partance pour Vienne en Autriche et s’en est retournée attendre tranquillement la venue des SS au studio...
Pourquoi ne nous a-t-elle pas accompagnés ? Elle n’en a jamais parlé.
À 5 h du matin, ils l’ont embarquée pour Auschwitz où elle a survécu jusqu’à la libération des camps de Pologne, en 1945.
Elle s’est éteinte en 1971, sans avoir révélé à quiconque l’existence des 1 400 clichés cachés dans le grenier de son ancienne maison. Cette fantastique collection a était retrouvée, par hasard, par le nouveau propriétaire qui a averti aussitôt le maire.
Il y a cinq ans, le maire a organisé une exposition de ses photographies dans une galerie de la ville. Andrzej Kramarz, photographe né à Dedica et créateur de la fondation IMAGO MUNDI à Cracovie, impressionné par la valeur de ce trésor, en a fait une première grande exposition qui connue un succès public et médiatique. C’est à lui que je dois d’avoir découvert le travail de ma grand-mère. D’importantes subventions ont été obtenues par la fondation pour la restauration des 400 premiers clichés et pour la réalisation des catalogues d’exposition.
Au-delà de son talent photographique, l’immense courage et le sacrifice de cette femme pour protéger des dizaines d’êtres humains font d’elle une Polonaise remarquable et une des Justes de Pologne.